La surveillance algorithmique va se généraliser. Avec les jeux olympiques, on en a beaucoup entendu parler en France.
Vous savez que vous êtes déjà filmé en permanence dans l’espace public. Comment sont exploitées ces captations ?
Qui les visionne ? C’est des personnes qui regardent, c’est un algorithme ? Qui a le droit d’en disposer et pourquoi ?
Différence entre la vidéo surveillance et la vidéo surveillance algorithmique
La vidéosurveillance et la vidéosurveillance algorithmique sont deux concepts liés, mais distincts.
Vidéosurveillance : Il s’agit de la mise en place de caméras de surveillance pour capturer des images et des vidéos dans des lieux publics ou privés. L’objectif principal est de prévenir et de détecter les infractions, ainsi que de garantir la sécurité des personnes et des biens. Il faut un humain pour exploiter les images.
Vidéosurveillance algorithmique (VSA) : La VSA est une évolution de la vidéosurveillance traditionnelle. Elle utilise des algorithmes pour analyser les images et les vidéos capturées par les caméras, afin de détecter des événements spécifiques, tels que des mouvements suspects, des incendies, ou des personnes non autorisées. La VSA peut également être utilisée pour reconnaitre des objets, des personnes ou des véhicules, et pour suivre leur trajectoire.
- Analyse des données : La VSA utilise des algorithmes pour analyser les données capturées, tandis que la vidéosurveillance traditionnelle se contente de capturer les images et les vidéos.
- Détection d’événements : La VSA est capable de détecter des événements spécifiques, tels que des mouvements suspects, tandis que la vidéosurveillance traditionnelle ne peut que capturer les images et les vidéos.
- Intelligence artificielle : La VSA utilise des algorithmes d’intelligence artificielle pour analyser les données et prendre des décisions, tandis que la vidéosurveillance traditionnelle ne nécessite pas d’intelligence artificielle.
C’est l’ordinateur et son logiciel qui déterminent les faits. C’est sur ce point que réside le débat.
L’enjeu sociétale de la surveillance algorithmique
La généralisation de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) soulève plusieurs enjeux éthiques et sociétaux importants, notamment en termes de libertés individuelles, de risques de dérives et d’efficacité du dispositif.
Voici quelques points clés à considérer :
- Rassurer et sécuriser les citoyens en leur assurant qu’à tout moment toute infraction sera constatée et l’auteur identifié
- Risque d’une surveillance généralisée : La VSA, couplée à la reconnaissance faciale, pourrait conduire à une surveillance permanente et exhaustive de l’espace public. Même sans reconnaissance faciale, les algorithmes permettent déjà de suivre des individus.
- Dérives et utilisations détournées : Il existe un risque de détournement des finalités légales de la VSA, et d’une accoutumance à l’utilisation de cette technologie à des fins de surveillance. Les autorités pourraient être tentées d’étendre les cas d’usage de la VSA, et à terme, de légaliser la reconnaissance faciale en temps réel dans l’espace public.
- Efficacité discutable et faux positifs : L’expérimentation de la VSA lors des JO de Paris a montré des résultats inégaux. Les algorithmes ont eu du mal à identifier les objets suspects, confondant des poubelles ou des SDF avec des colis abandonnés. Des vitrines éclairées ou des phares de voiture ont été pris pour des incendies. La VSA s’est avérée moins efficace dans les zones peu éclairées ou dans les espaces ouverts. Les alertes émises par les logiciels de VSA ont entraîné un nombre limité d’interventions. Seule la détection d’intrusion en zone interdite a semblé donner des résultats satisfaisants.
- Manque de transparence : Des inquiétudes existent quant au manque de transparence entourant le développement et le déploiement de la VSA. Le rapport d’évaluation a été remis au ministère de l’Intérieur, mais il a été consulté par des journalistes. On dispose donc de quelques informations. Le coût de la surveillance algorithmique n’est pas une information publique.
- Acceptation sociale et normalisation de la surveillance : La généralisation de la VSA pourrait banaliser la surveillance de masse et conduire à une acceptation accrue de cette technologie. Certains craignent que l’argument de la sécurité soit utilisé pour justifier le déploiement de systèmes de surveillance toujours plus intrusifs. Il y a un risque que l’usage de la VSA soit perçu comme normal et donc accepté par la population.
- Impact sur les libertés individuelles et la vie privée : L’utilisation de la VSA implique la collecte et l’analyse de données personnelles, ce qui peut porter atteinte à la vie privée des individus. Il est important de s’assurer que ces données soient traitées de manière responsable et conformément à la loi. Il est important que le législateur réaffirme plusieurs principes généraux comme le contrôle des parlementaires et le renvoi à des projets de décrets soumis à la CNIL.
- Enjeux économiques et industriels : Il existe des intérêts industriels français dans la généralisation du système, car il y a une demande des opérateurs de transports comme la SNCF et la RATP. L’expérimentation a également pour but de permettre aux entreprises françaises d’affiner leur produit pour attaquer des marchés porteurs à l’international.
En résumé, la généralisation de la VSA soulève des questions complexes qui nécessitent un débat démocratique approfondi. Il est essentiel de peser soigneusement les avantages potentiels de cette technologie en matière de sécurité, face aux risques qu’elle représente pour les libertés individuelles et la vie privée. Il faut aussi tenir compte de son efficacité, qui est loin d’être prouvée.
Expérimentation de Jeux Olympiques de Paris
Pendant les Jeux Olympiques de Paris 2024, un seul algorithme, Cityvision de la société Wintics, a été testé dans le cadre de l’expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique (VSA).
Quels mots sur la société wintics. Leurs solutions sont utilisées par de nombreuses collectivités déjà. Il indique 2000 caméras connectées. Les serveurs sont installés chez les clients.
La société indique sur son site que tout est conçu en France. Selon la dernière AG, les actionnaires sont les fondateurs uniquement. On est bien dans le cadre d’une entreprise souveraine. C’est rassurant pour les données collectées.
Il est important de noter que plusieurs prestataires de VSA avaient répondu à l’appel d’offres initial, et que le ministère de l’Intérieur en avait initialement sélectionné trois (Wintics, Videtics et Chapsvision). Cependant, seul le logiciel Cityvision a été finalement utilisé pour l’expérimentation lors des JO.
Les tests ont été réalisés sur la moitié seulement des cas d’usage autorisés. De plus, certaines possibilités offertes par la loi, comme l’analyse d’images prises depuis des drones, n’ont pas été mises en œuvre en raison d’une maturité technologique insuffisante. L’expérimentation n’a donc pas permis de dresser un bilan complet sur la pertinence de la VSA en général.
Pour cet évènement, cette technologie n’a pas été déterminante. Par contre étant nouvelle il faut ce typez d’expérimentation pour se l’approprier. L’afflux de données à traiter peu finir par saturer les responsables de la sécurité qui ne sont pas mesure de dissocier le détail du risque.
Quelle est la situation dans d’autres pays
La situation concernant l’utilisation de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) varie considérablement d’un pays à l’autre. Voici un aperçu de la situation dans certains pays, tel que mentionné dans les sources:
- Chine: La Chine qui est une dictature est présentée comme un leader mondial en matière de surveillance de masse de sa population. Le pays possède un nombre très élevé de caméras de vidéosurveillance dans l’espace public, avec environ 375 caméras pour 1 000 habitants dans les villes en 2021, un ratio bien supérieur à celui de Paris. La Chine utilise de plus en plus la technologie de la reconnaissance faciale et l’automatisation de la détection des comportements. Le marché de la reconnaissance biométrique y est important.
- Royaume-Uni et Espagne: Ces pays utilisent également des applications de reconnaissance faciale. Le royaume uni teste des camions mobiles équipés de caméras pour faire de la direction sur des points chauds.
- Brésil: Des entreprises brésiliennes utilisent la lecture automatique de plaques d’immatriculation via des techniques de VSA.
- États-Unis: Il y a eu des tentatives locales d’interdire ces systèmes, notamment pour les applications policières de reconnaissance faciale, mais le contexte politique et sécuritaire a conduit à remettre en cause ces actions. Malgré des inquiétudes, l’utilisation de la reconnaissance faciale à des fins de surveillance policière était acceptée par la majorité des Américains en 2022.
La France fait figure d’avant-garde en Europe en termes de stratégie de légalisation de la vidéosurveillance algorithmique.
Il est important de noter que, même dans les pays démocratiques, la reconnaissance faciale semble de plus en plus acceptée, malgré les inquiétudes des professionnels du secteur. Face à la monté du sentiment d’insécurité les citoyens doivent accepter la surveillance permanente.
Souces
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